RDC: Le viol, un fléau dans l’Est

GOMA, 17 octobre

– Dans l’Est de la République démocratique du Congo, les femmes connaissent tellement bien le cruel scénario des viols qu’elles n’ont aucune difficulté à expliquer le mode opératoire.

« Un homme vous tient les mains, l’autre les deux jambes et troisième vous plaque sa main sur la bouche », a expliqué à IRIN Beatrice Misat, une résidente du camp de déplacés Mugunga II.

« Quand vous avez un peu de chance, ils vous abandonnent après vous avoir violée, sinon, ils vous torturent ensuite à l’aide de bouts de bois, puis vous vous mettez à saigner », a-t-elle ajouté.

Le viol est un fléau dans l’Est de la RDC – une arme de guerre, une menace constante pour les femmes et les filles.

Selon certains habitants et observateurs, la culture de la violence sexuelle s’est implantée dans l’Est après le génocide rwandais de 1994 au cours duquel quelque 800 000 Tutsis et Hutus modérés ont été massacrés par des miliciens hutus.

Défaits par les militants du Front patriotique Rwandais, un mouvement politico-militaire majoritairement tusti, les auteurs du génocide sont repliés sur le territoire de la RDC voisine, et des groupes de miliciens armés ont commencé à proliférer dans la région et la violence sexuelle est devenue une pratique courante.

Un brassage dangereux

Lorsque les combats entre les troupes du général dissident Laurent Nkunda et les forces armées de la RDC ont repris récemment dans la province du Nord-Kivu, les femmes de la région se sont enfuies pour éviter d’être violées par ces miliciens.

« Quand l’insécurité s’accroît, qu’il y a de plus en plus de personnes déplacées, les femmes se sentent bien plus en danger et sont plus vulnérables au harcèlement sexuel », a expliqué à IRIN Patrick Lavand’Homme, responsable du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) dans le Nord-Kivu.

« Avec le brassage de miliaires à proximité de populations de déplacés internes, les rares principes de l’Etat de droit qui existaient encore disparaissent complètement ».
Ce qui est troublant dans l’Est de la RDC, c’est la brutalité qui accompagne souvent les viols. Les femmes sont généralement violées par plusieurs hommes devant leur famille ou sont ensuite torturées.

« Je pense que dans cet acte, il y a plus un désir de destruction qu’une simple recherche de plaisir », a affirmé Angela Kishabagasifa du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). « Il ne s’agit pas de détruire un ennemi, mais des femmes ».

L’UNFPA organise des ateliers de sensibilisation dans le camp de Bulengo situé dans la banlieue de Goma, la capitale du Nord-Kivu.

Ce camp abrite quelque 13 000 déplacés et près de la moitié des femmes pensionnaires ont, à un moment donné de leur existence, été victimes de violences sexuelles, a indiqué Mme Kishabagasifa.

La victime la plus âgée qu’elle a rencontrée, après deux semaines de prise en charge du camp, avait entre 65 et 75 ans, et la plus jeune, quatre ans.

« Il n’y a pas de considération d’âge dans le viol », a expliqué M. Lavand’Homme. « Toutes les jeunes filles et tous les jeunes garçons sont violés ».

Les groupes de miliciens

Le nombre de femmes victimes de viol dans l’Est de la RDC est si important que les représentants des Nations Unies n’hésitent à parler du pire exemple de violences sexuelles dans le monde.

Selon le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), quelque 18 000 cas de viols auraient été enregistrés en 2006 dans trois provinces de la RDC, dont celle du Nord-Kivu.

Mais le nombre de cas de viols est probablement bien plus élevé.

« Toutes les victimes de viol ne le font pas savoir », a indiqué Mme Kishabagasifa. « Certaines femmes ont honte d’en parler. Parfois lorsqu’on se promène sur le site, des femmes nous demandent de venir discrètement dans leur case pour nous en parler. Elles pensent qu’en se rendant au centre de santé, on pourrait se douter qu’elles ont été victimes de viol ».

Les groupes armés présents dans la région nient avoir commis des viols, mais pour les travailleurs humanitaires, tous ces groupes devraient être tenus responsables des violences sexuelles.

Outre les miliciens du Congrès national pour la défense du peuple, du général dissident Nkunda, et les forces armées de la RDC, les groupes de milices du mouvement hutu des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda et des Mayi Mayi, organisés en fonction de critères ethniques, sont actifs dans la région.

Le mouvement de rébellion du général dissident Nkunda a commencé en décembre 2006 et les combats entre ses miliciens et les troupes de l’armée régulière ont fait près de 370 000 déplacés.

Nkunda avait déserté l’armée congolaise en 2004 en prétextant qu’elle ne faisait rien pour débarrasser la région des groupes de miliciens hutus complices des auteurs du génocide rwandais.

S’il est vrai que la situation dans l’Est de la RDC est très politisée et devient de plus en plus complexe, les femmes de la région sont rarement très impliquées dans la politique. Pour la plupart d’entre elles, leur seul souhait est que le conflit s’arrête.

Banza Mazamba est membre du conseil de direction du camp Mugunga II. Elle raconte l’histoire d’un bébé de sexe féminin, prénommé Grâce, arraché du ventre de sa mère par des miliciens fidèles au général dissident Nkunda. Et cette histoire fait le tour du camp

L’enfant a survécu grâce à l’intervention d’une femme âgée qui s’occupe d’elle actuellement.

Lorsqu’on lui demande d’expliquer le comportement des groupes armés dans l’est de la RDC, la réponse de Mme Mazamba est simple :

« Ces hommes n’ont pas de cour ».

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